festival2012

Théâtre En Mots critiques de théâtre et des arts de la scène

 
Théâtre forain expérimental, à partir de 7 ans
Gramoulinophone
2 rien merci...
 
Codirecteur artistique : Yann Servoz
Accompagnatrice de projet : Marik Wagner
Avec : Stéphane Eudes, Mika Bouvier, Jérôme Bouvet

Régie de tournée : Morgane Maugein

Assistante de diffusion : Agathe Fontaine

353 chemin des Canotiers, Ile de la Barthelasse
 (après le restaurant le Bercail, à coté de la navette fluviale gratuite
-rejoignant le centre ville, entre la Porte de l
 
à 10h et 22h30
 
 du 7 au 28 juillet 2012
 relâche les 10,14, 19, 24

Durée  : 1H

 Réservation : 06 89 60 89 96

 
  
 
Production : Raphaelle Rabillon
Soutiens pour Avignon OFF 2012 : Le Belvédère des Alpes, Château Rouge Annemasse, Le Volcan, Scène Nationale du Havre et Bonlieu, Scène Nationale d’Annecy

 

"Approchez, approchez m’sieurs, dames. Tendez vos pavillons, affûtez vos cornets. Venez voir du saisissant, venez voir du vivant”. Devant une baraque de foire aux rondeurs de chapiteau, trois personnages hirsutes, un brin hagards, un tantinet poussiéreux, encanaillent le badaud. Fascination d’un monde où l’étrange et le merveilleux s’acoquinent... 50 grains de spectateurs prennent place autour du phénomène. Quelques tours de manivelle plus tard, ils ressortent dans un drôle d’état, ni tout à fait moulus, ni tout à fait entiers !

 

 

 

Une extraordinaire pièce de théâtre. Un trésor de poésie, d'humanité et de créativité, original, énigmatique, comique. Avec des références aux bases de l'histoire du cinéma et du théâtre, du montreur de foire aux premiers films muets.
Le spectacle se déroule dans un champs et sous une petite tente de cirque ronde, marron-noir, surmontée d'une manivelle. Telle une boite à musique, une boite de conserve ou une chaumière-masure, logis peut-être de quelques sorcières au vue du bric à bracs accrochés autour de l'entrée. Pour prendre son billet c'est un peu plus loin, à une petite table haute surmontée d'objets en fer, dont un, flexible, représentant un oiseau qui retombe vers nous. Le billet, à l'ancienne, beige, crissant, de l'époque où le papier était épais, consistant, à la mesure d'un événement peu courant, pour parfaire l'ambiance est marqué par un tampon, qui imprime très bien en lettres typo d'autrefois, la date, le jour et l'heure, sur les trois parties d'un carnet à souche. Une entrée en matière de bonne augure !
Muni de ce ticket nous attendons dans l'herbe autour de la masure. Trois personnages, un cornet à la main, arrivent entamant en file indienne une ronde autour de nous. Dans le cornet, leurs voix évoquent des indications de type hall de gare, aussi impératifs qu'incompréhensibles. Les travailleurs, concentrés, ivrognes, préparent quelque chose qui émet une fumée blanche prés de l'entrée, tandis qu'ils nous enjoignent à rejoindre une guérite marquée "Caisse", dans laquelle l'un d'eux vient d'intimer l'ordre à une femme de se placer. On ne voit que sa tête, à travers un trou, ainsi qu'une de ses mains, la gauche, tendue à travers un autre trou en dessous. Contre notre billet nous recevons de l'autre coté, une noix. A garder précieusement. Pour entrer dans l'étrange lieu sous la tente. Si on veut bien se pencher un peu, car l'un des personnages en barre l'accès de son bras négligemment posé en travers, nous obligeant à passer en dessous. Ses yeux nous font comprendre qu'il vaut mieux ne pas le déranger : c'est ici son domaine. On s'installe en rond dans le lieu dans la pénombre, sur des banquettes en bois. Ou bien, "Assis-Debout, Derrière-Au Fond", comme ils nous l'indiquent lorsque tous les bancs sont remplis, sous une délicieuse et ingénieuse climatisation, passant tout autour de la tente, dans un rondin de plastique noir percé, envoyant de l'air très frais.

Au centre, il y un plateau rond, tournant, actionné tel une barque par l'un des personnages, le chef apparemment, employant ses ouvriers sans se soucier d'eux. Ainsi lorsque, son travail finit,  l'un d'eux demande à ce que l'on retire une caisse enserré sur son dos, il ne trouvera aucune aide, et courrera comme pour rejoindre le train imaginaire de son lieu de travail, partit sans lui quand il s'est arrêté. Il le verra s'éloigner -courant sur place sur le plateau lancé-, toujours le dos coiffé, ce qui le fait paraître bossu et minuscule. Il s'arrête, interrogatif devant quelqu'un du public, tourne la tête. La jeune femme ne comprends pas, ou fait semblant de ne pas comprendre, croit qu'il est ainsi de manière normale, à vie, être risible, dont elle se moque se tournant vers ses amis, croyant qu'il la drague, (sans jamais lui demander ce qu'il veut). Pour ceux qui ont compris, cela vaut sens de la pièce. Un homme, devant qui il se tiendra ensuite l'air ennuyé, lui demandera s'il veut qu'on l'aide à retirer sa caisse, et malgré son peu d'entrain devant la difficulté à l'extraire, il le fera avec succès, délivrant l'homme de ce qui pourrait être aussi, la malédiction des contes. Les trois compères jouent à leurs heures d'instruments de musique à vents, jouent au dés accompagnés d'un quatrième, qui est une tortue -véritable-. Un écran de toile est l'occasion de jeux d'ombres, puis de diffusion de films noir et blancs muets, ou apparaissent des personnages qui leurs ressemblent.

"Et si un jour vous manquez d'huile... Pensez à vous serrez les coudes !" dit, lors du final, l'un des hommes dont nous avons partagé le quotidien. Plusieurs fois rappelés, les timides, sont sortis de la petite tente ronde. Ils y entrent à nouveau, pour nous faire saluer la tortue qui a fait partie de leurs aventures. Avant de nous inviter à partir, à la manière de bourrues ouvriers, des chemins de fer peut être d'autrefois comme ils peuvent l'évoquer à la manière du clown. Un à un alignés devant la porte, ils nous tendent la main. Une main chaleureusement prise par chaque personne du public, ému et conquis, par autant d'authenticité ressentie, et de multiples évocations et talents d'arts de la scène.
 

Jeudi 26 juillet 2012