Fabrice
Schillaci est un interprète parfait, assez génial, pour incarner avec finesse
le personnage né de la plume de Jean-Marie Piemme, "L'ami des
Belges".
Schillaci
se sert d'un physique avec lequel il peut faire facilement
affleurer un côté beauf, allié à son jeu sans faille.
Ce grand comédien, pas si
grand de taille, engoncé dans des habits étriqués qui font penser
à bon escient à ceux
Molière, avant de reconnaître le costume du Gilles de Binche l'innocent
frondeur, nous met en chair et en os en présence du type d'homme qu'il
incarne dans cette pièce. Les images données par les mots,
parfont brillamment le décor et le
contexte d'un personnage, qu'on voit se profiler en quelques phrases, au
caractère savamment analysé, défini. Un texte,
et une très belle interprétation par le comédien fétiche de Jean-Marie Piemme (qui incarnait le chien, dans sa précédente pièce "Dialogue d'un
chien avec son maître sur la nécessité de mordre ses amis").
Fabrice Schillaci incarne avec une
superbe conviction et un humour qui humanise, un type d'homme, riche, tout
puissant où se le croyant. Aux mêmes faiblesses humaines que tout être humain, en proie aux mêmes sentiments que sont le désir, l'envie
et la peur, de l'inconnu, ou de ce qui manque. Ce mis à part que l'inconnu qui
fait peur ou ce qui manque, pour une personne riche et puissante, n'a rien à
voir avec les manques et les peurs de quelqu'un sans argent et sans pouvoir. Ce
dont veut parler, entre autres, la pièce.
Le personnage de "l'Ami des Belges" oscille de l'émouvant au
ridicule, du salaud à l'homme normal. Un même homme n'est pas vu
de la même façon suivant le milieu dans lequel il vit. Et n'est pas non plus le
même partout et en toutes occasions. Double, comme les aiment Jean-Marie Piemme,
pour illustrer la nature humaine, se moquer de ses travers, souvent
chez lui en prenant le parti du mauvais (pour mieux le montrer ?).
Que pourrait-on trouver de touchant chez cet homme, mis à part le
fait qu'il soit ridicule ? Ses arguments peut-être, et c'est là ce qu'aime
l'auteur, que les deux camps puissent se poser des questions. Car comme il le
dit, c'est bien dans la nature humaine que de vouloir payer moins d'impôt.
Si
on n’est pas en effet, un Vrai socialiste, concerné, par la vie des autres.
Après avoir résolu la corruption, les privilèges et les perversions, que
s'octroient tous bords confondus les membres d'administrations, avec complicité
ou demandes de l'état via son service de Renseignements. Ou les actes
résultants de consultants, consultés par des entreprises sans
conscience morale, avec aval du gouvernement qui fait les lois. Ce qui n'est
pas fini d'être le cas.
Un soir sur une route déserte, un homme accompagné de son chauffeur, tombe en panne. Un
bien joli paysage de petites routes est décrit, tandis que le personnage n'y
voit, qu'odeurs d'air pur et de campagne qui le dérange et lui font peur. L'homme de la
ville dit qu'il exècre aussi Bruxelles et ses embouteillages, se moque des Belges, mais voudrait bien y
vivre -ce voyage a pour but de l'y conduire-, pour ne plus, ou moins, payer
d'impôts.
Comme il est difficile d'afficher son mépris, appris sur
clichés, envers un pays où la fiscalité
répond à ses désirs expansionniste financier, il
avance,
conseillés par ses conseillers, un amour pour certaines figures
du folklore et
de la culture Belge. Ainsi, il endosse le costume à clochettes
du Gilles de
Binche, et chante des chansons qu'il connaît par cœur,
ce qui le
rends à nos yeux un moment, plus humain. Des chansons du
grand Jacques Brel
dont il est si
éloigné, mais
chez lequel il trouve un parallèle d'expression de tristesse,
face à
l'injustice qui l'accable, dans la difficulté qu'on lui oppose
pour obtenir la
nationalité du pays sans impôt.
L'homme pour ce voyage, est accompagné, outre de son chauffeur qu'il
méprise
puisqu'il est chauffeur et qu'il ne se gêne pas d'insulter, de son biographe personnel. Cela fait chic, lui a-t-on dit, il
est d'accord de trouver normal, pour un homme comme lui, dont le sort dépends
tant d'entreprises et de personnels, d'écrire un livre sur lui-même. Pour cela,
il lui faut un nègre, dit-il. Homme parvenu, il ne saurait faire
ça lui-même. Il raconte, à cet autre employé à peine mieux traité que son
chauffeur (et dont le titre de sa fonction n'aide pas, face à tel
commanditaire, arrogant, cynique, sans culture) que depuis tout petit
il rêvait d'être citoyen Belge. A cette occasion face à nous, se déroule une
galerie de portraits de sa famille, où s'affrontent, les effrayés d'un tel
projet qui souillerait leur fierté d'être Français, et l'autre camp plus compatissant
face à cette "fantaisie", du petit enfant, futur puissant de ce
monde.
Les
décors sont agréablement choisis, avec
une justesse précise, efficace, pour en peu de choses, ajouter
ce qu'il faut. Pour, rêver, devant un beau ciel bleu à nuages
floconneux, typique des pays du Nord. Ajouter du ridicule bucolique avec un
faux arbre à petite feuilles dans un grand pot (qui donne, en début de pièce, un coté ballet de Tchaïkovski) pour
évoquer la campagne. Positionner le personnage, dans un grand fauteuil
rouge (de théâtre) où est installé le
petit homme. Préciser son sujet, tandis qu'à sa droite, semble attendre son costume-armure
de Gilles de Binche, rouge
lui aussi, à clochettes tels des pompons, costume qui posé de
coté, évoque un habit de Molière. Non loin de lui, un club de golf,
pour indiquer
une époque moderne. Un décor, dans la pénombre d'abord. Jusqu'au
déroulement depuis le plafond, de deux panneaux de papiers peints, de
ciels
bleus façon peinture à l'huile, occasion de jeu pour le comédien
qui passe la tête entre les deux lais. L'homme dit
aimer Van Gogh. Homme dans les nuages des hautes
sphères, que sa position d'homme riche.
La
sympathie et l'humour dégagé par Scillacci, fait que le
personnage cynique est devenu drôle. Car on est dans une farce
façon Molière, sur le ridicule, de ces gens là.
Samedi 27 juillet 2013
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