- Une excellente pièce que Les Burelains. La billetterie
néanmoins mime son sujet et retarde pour le site son invitation, obligeant à une
demande par mail, sans réponse, qui du être suivie d'un
second, pour avoir enfin une réponse... du metteur en scène lui même. Pas
de dossier de presse disponible, notamment pour en savoir
plus sur l'auteur original de cette pièce. Les burelains,
ce sont des employés de bureau (d'administrations). Chez les burelains rien n'est
laissé au hasard, détours, choses compliquées nécessaires,
multiplications de classements et services, pour un but qui
aurait pu être obtenu par un seul bureau et des mêmes employés. La mise
en scène, montre ce petit jeu d'embrouille absurde à la Kafka, quand le
nouveau, qui cherche le bureau des plaintes -pour se plaindre de ce qu'il
considère incohérent dans son travail- est envoyé à
différents étages et numéros de portes, l'un pour prendre un bordereau, un
autre pour le signer, un troisième pour être enfin remis à la personne
concernée. C'est la manière privilégié par les burelains
d'administration, que d'étouffer toutes demandes, d'autant plus pour
une remise en cause de ce qu'il peuvent faire exprès pour mettre des
bâtons dans les roues. Notamment par des exigences absurdes et
irréalisables. D'une façon à la fois improvisée et institutionnelle.
Retour continuel du nouvel
employé, dans le même
bureau avec les mêmes personnes, dont les noms et fonctions ont
officiellement changés, ce qui les fait rire de leur jeu. Parti de la
porte de droite du bureau, il
y revient par la porte de gauche. Le burelain
nouveau est embauché pour archiver, ce qui est classé, "à classer". Démarche compliquée mais
-indispensable et logique- argumenté par la consciencieuse et passionnée
secrétaire.
-
- La machine immuable des burelains pousse au suicide l'apprenti plein de bonne volonté
pour son métier, persécuté, car sortant du moule, il a bien essayé. On ne le verra plus c'est tout, après avoir sauté de l'immeuble, au
dessus des tiroirs. Souris pour ce monde, il aura chercher à fuir, par dessus
les étagères jusqu'au toit. Où là s'arrêtent les voix et les lampes torche
sur le front des employés à sa chasse, qui d'ailleurs le cherchait
juste.
- Le jeune burelains englué dans ce bureau, à disjoncté, sa révolte
était pourtant légitime contre l'ineptie. Il ne trouve pas de sens à
ce qu'on lui demande, et la manière de le faire. Il n'accepte pas cette déshumanisation qui entrave même
les sentiments, c'est ce qui perdra le burelain à la pomme. Après avoir
soutenu, aider en l'écoutant et le conseillant, son camarade
amoureux en secret, faisant preuve d'une humanité fraternelle,
évidente dans le monde normal, mais peu courante dans celui-ci.
- Des petites phrases positionnent leur personnage, les
impossibilité de chacun.
-
- Les trois comédiens sont parfaits, leur plaisir à jouer donne
l'exacte posture de leur rôle, avec une étincelle qu'on perçoit et
qui emporte. Mention
pour le jeune burelain, qui joue finement, avec charme, ce rôle, à la fois burelain,
déjanté et tendre, intelligent. Le burelain débonnaire, à la carrure d'un
acteur des Chaises de Ionesko, un look de la Comédie Française. Celui qui attends
une promotion, semble sorti d'une pièce de
boulevard dans la pure tradition. Comme la secrétaire à grosses lunettes, qui couve ses dossiers
dans un vieux landau contemporain de Bécassine. Le débonnaire dit au
nouvel arrivant, que pour durer : "il faut en faire le moins possible, ne pas faire de vagues, ne pas se faire remarquer, pour qu'il n'en
soit pas demander plus". L'ambitieux, qu'au contraire : "il faut
se donner sans compter, en faire deux fois plus que les autres", pour se
faire remarquer et monter en grade. Aimer trouve mal sa place dans le monde des
bureaucrates.
- Les burelains sont humanisés
par une affaire de coeur improbable et comique entre la secrétaire
et le débonnaire. Secrétaire que ce dernier laisse pourtant sans broncher,
comme ses collègues ébahis, faire mille jeu d'équilibriste
passant devant eux, surchargée, cachés par ses dossiers qui lui
arrivent au dessus des yeux, à transporter pour
classement. Le jeu de scène est comique tandis qu'elle traverse le bureau, maugréant à tâtons. Avant qu'on ne l'entende, derrière la porte enfin
ouverte et refermée, tomber plusieurs fois avec son chargement.
Personne ne viendra s'enquérir de son sort.
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- Le décor est superbe, sobre, et à la fois grandiose.
Une pièce-bureau, meublée de trois bureaux individuels en bois paraissant massif, de très hautes armoires à tiroirs
montant jusqu'au plafond (de la scène). Les portes aux deux extrémités, sont très hautes, leur poignets pour ouvrir, très hautes aussi. Il faut donc lever les bras pour
sortir ou entrer, marquant le
poids de l'administration et ses rouages.
- La pièce reste sur le ton de la farce, toujours gaie, comique,
enlevé. Tout en montrant la petite férocité du rigorisme et de la
hiérarchie d'une
bureaucratie qui se maintient volontairement dans l'établi, étouffant créativité,
inventivité, sentiments et réflexions sur le sens personnel.
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- Cette excellente pièce, très bien jouée, se passe au milieu
voire au début du 20éme siècle, pourtant le corps de l'histoire est
toujours actuel. Des burelains de notre époque le confirme
: leur machine leur permet de faire exprès, quand ils le veulent, de ralentir, une démarche, la
compliquer, l'empêcher, invoquant de n'avoir jamais le bon
papier, par exemple. Voire en faisant intervenir d'autres services à
mauvais escient. Ils sont le départ de toutes les dérives possibles,
l'initiant. C'est une burelaine elle-même qui l'a dit.