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Loin de Linden
de Veronika Mabardi
 
Atis Théâtre 


 

Avec : Valérie Bauchau, Véronique Dumont, Giuseppe Lonobile


Création lumière et régie : Fabien Laisnez

 

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    Rue des Escaliers St Anne
    (proche de : Cinéma Utopia Manutention > rue Banasterie > Porte de la Ligne)
  • à 20H  
    du 5 au 26 juillet 2015, relâche les 15, 22

     

    Durée : 1H25
    Réservation : 04 90 14 07 99

     

    Coproduction Rideau de Bruxelles / Le manège.mons - centre dramatique / Atis Théâtre.

     

    "Un moment sensible et fort d'une histoire familiale par un superbe duo de comédiennes. Sur fond de recherche identitaire, de rapports complexes entre classes sociales, et d'images de la vie d'il y a deux générations, tellement loin déjà...". «Pour incarner ces femmes quasiment adversaires, cristallisant l’altérité, et dont pourtant affleurent les paradoxales similitudes, Giuseppe Lonobile ne pouvait mieux choisir que Véronique Dumont et Valérie Bauchau - étincelant toutes deux dans des compositions à la fois typées et ciselées en nuance. Le trio porte avec finesse le texte sensible et très personnel de Veronika Mabardi.» Marie Baudet – La Libre Belgique"

     

     

    C'est un superbe moment théâtral qui nous captive avec bonheur, toute l'heure de la représentation. C'est une pièce très réussie, originale, drôle, sur la condition sociale au sein d'une même famille, excellemment interprétés par ses deux comédiennes. On est transporté ailleurs, face à deux identités affirmées et Belges. Avec un jeu naturel qui colle au rôle, un brin exubérant de l'une, pour l'autre, un enthousiasme à raconter les petits et grands événements de sa vie quotidienne qui frôle le sketch de haut niveau, dépeint un monde. Accent belge, mimiques, façon de se tenir, de vivre le texte, de raconter, une main sur les hanches, un peu voûtée, toujours prête à s'activer, travailler, elle est extraordinaire. La première, plus retenue mais non moins généreuse dans son rôle, est parfaite aussi. L'une et l'autre parle avec fougue et enthousiasme sans vraiment au début écouter qu'à dit l'autre, tout en s'exprimant sur un ton de réponse.

    Ces deux dames sont les grands-mères de leur petit fils qui les a conviées, tandis que pour une première fois elles ont acceptées de venir toutes deux ensemble, pour se raconter l'une à l'autre, parler entre elles, s'expliquer, puis lui expliquer, ce qu'il n'a pas tout à fait compris dans leur histoire familiale qui fait que ses deux grands mères s'évitent généralement. Pour qu'il comprenne mieux leurs vies et l'époque où ses parents à lui, étaient des enfants.

    Deux dames en visite prennent un café sur une petite table de cuisine au sol noir et blanc et parlent d'elles, au début un peu gênée.  Elles détaillent leurs souvenirs d'une façon très vivante, dans un enchaînement discontinu,  lèvent les mains, racontent ce qui lui vient à l'esprit, les moment importants de leurs vies, faites de rencontres et d'anecdotes. La seconde semble répondre à ce que vient de dire la première, donne sa position sur le sujet abordé, sa façon de penser et de faire lors d'un même événement. Pourtant, à l'écoute attentive, pas de liens véritables avec ce qu'a dit la précédente. Au début on parait assister à ce qui pourrait être un enregistrement radiophonique, de témoignages divers plus qu'à un dialogue. L'une et l'autre parle comme si elle répondait à ce qui venait d'être dit. C'est un dialogue qui n'en est pas, puisque seul la forme de narration crée cet effet,  formidable réussite elliptique qui condense la vivacité d'un dialogue entre des personnes qui en fait parlent chacune d'elle même.
     
    S'installe peu à peu un semblant de lien véritable à ce que l'une raconte à la suite de l'autre. Ce sont alors des pans de vies différentes qui se distinguent. L'une est plus enveloppée, énergique, avec une robe soyeuses fleurie, des cheveux blond relevé en boule. L'autre est très mince, à cheveux court blond jaune, en pantalon, habillée de couleurs plus osées, jaune et bleu, un petit gilet ramené croisé, avec un coté plus strict mais plus moderne.
     
    Elles sont apparemment égales dans leur simplicité et leur engouement à parler. Celle à la robe fleurie qui parait l'invitante, parce qu'elle vient plus souvent ici, parait plus chaleureuse, et l'autre, gênée. Ce qu'elles racontent, marque progressivement leur différence de niveau de vie, d'argent, de métier, de personnes qui les entourent, de relations qu'elles ont avec les autres, et la manière dont elles sont considérées surtout. Celle en robe, plus campagnarde fait une pause café déjeuner,  l'autre jeune grand mère préfère en guise de pause, fumer seulement une cigarette. Pour cendrier, elle retourne... une statue d'une Vierge Marie posée sur la table, qui en contient un dans son dos, sous forme d'un petit tiroir !  Ce clin d'oeil de mise en scène assez génial, qui déclenche des fous rire du public, tandis que les comédiennes paraissent avoir du mal à se retenir de rire (chercher qui en a eu l'idée, mais le metteur en scène dira sans doute que c'est lui), matérialise l'espièglerie de la pièce, est à l'image du coté à double facettes, de l'histoire, leur histoire complexe.
     
    Simplicité de relation, d'égalité apparente, mais différences de niveau de vie, mais aussi d'appréciation de l'une par l'autre, agacement de l'une envers l'autre teinté d'un mépris hautain, apparaissent au fil de la pièce au fil des dialogues entre les deux femmes. Ce qui ne c'était pas dit, s'est fait jour. A la fin, la plus enjouée, en robe, de façon inattendue, prends à parti l'autre, lui reproche son attitude, ce qu'elle vient de dire, insultant pour elle même et sa famille : "on n'est pas responsable de sa naissance !" (du milieu dans lequel on est né). Cette phrase jette un froid, un arrêt à leur discussion. Arrêt dans la pièce. Les personnes sont figées. L'une peinée au plus haut point du mépris de l'autre révélé, l'autre peut-être est en train de réaliser l'injustice de sa remarque.
     
    Chaque individu grandi selon l'endroit où il est né, son environnement, la façon de vivre de sa famille, avec ses difficultés, habitudes, facilités. Puis son travail, ses rapports et relations avec les autres, conditionnent ses conditions de vies. En découle, façon de parler, habitudes de vie, quotidien. C'est évidemment, méchant, idiot, que reprocher son origine de naissance. Ces différences inhérentes à sa naissance, la vie qu'on a eu, fait que des liens d'amitié véritables peuvent être contraries, par l'inégalité liés aux possibilités de l'un, et aux impossibilités de l'autre.
    A la fin néanmoins les relation entre ces deux grand mères qui avaient bien des raisons de ne pas se croiser,  redeviennent cordiales.
     
    Ce fut la rencontre de deux mondes, celui de l'employé et de l'employeur, dans une simplicité Belge, qui n'empêche pas les différences mais assure mieux une cordialité de rapports, un sentiment d'égalité de l'être humain au delà de ses fonctions sociales.

    Souvenirs marquants d'une vie où le prix des choses est important, plats mangés, façon de passer ses vacances, emplois, vie de l'une d'elle, qui voyage achète, n'évoque que peu les questions liés à l'argent. Le début de l'histoire est un roman qui se dessine. Fille de garde chasse l'une raconte ses souvenirs d'enfance, la maison habitée appartenant à un comte. Comme une chose extraordinaire à l'époque, pour elle d'avoir servi à la table du propriétaire -un comte-, du lieu où elle habitait avec ses parents. C'était un été, il manquait du personnel, sa mère travaillait au service du comte,  il avait été demandé, si la jeune fille  pouvait exceptionnellement aider. "Et alors j'ai servie... pour.. les amis du comte..., en quelque sorte !". sa façon de le dire indique une sidération de ce fait, comme si elle faisait parti des amis du comte, en servant à leur table, comme elle avait du servir à la table de ses parents lorsque des invités venaient chez eux.

    Les caractères et réactions de ces deux amies d'enfance au sort différents et opposées, sont montrées avec une finesse et justesse étonnantes, dans une drôlerie touchante.

    25 juillet 2015