Festival 2019
 
Théâtre, à partir de 12 ans
Le rouge éternel des coquelicots
de François Cervantes
Compagnie L'Entreprise-F.Cervantes
 
1ère à Avignon
 
Ecriture et mise en scène : François Cervantes, à partir de conversations avec Latifa Tir

Interprète : Catherine Germain
Création lumière : Dominique Borrini
 
Régie générale et création son : Xavier Brousse

 

 
11.Gilgamesh Belleville
11 Bd Raspail
 
22H15
du 5 au 26
(relâche les me 10, 17, 24)
 juillet 2019
Durée : 1H
 
Réservation : 04 90 89 82 63

 

Critique :

Une comédienne grande, filiforme, à l'allure de jeune fille mais déjà âgé, aux cheveux roux, lorsque le spectacle commence, dit qu'elle va interpréter le rôle à la demande du metteur en scène, d'une femme dont il a recueilli les paroles pour immortaliser l' histoire, et qu'elle a connu en tant que cliente de son restaurant snack des quartiers Nord de Marseille.. Le titre de la pièce  prends un sens particulier à la fin, quand on comprends l'essence de ce seul en scène théâtral.  Ne parle t-on pas de la rage d'un peuple, qui malgré même une insertion sociale, vit à part, parmi des semblables, d'origines ou d'exils, d'individus qui ont peu de poids dans la société où ils vivent ?

Pour endossé son rôle, la comédienne glisse un tissus qui devient une perruque, elle est maintenant brune aux cheveux noir, une mèche qui dépasse, prends une cigarette, qu'elle ne lâchera pratiquement pas, si ce n'est que pour en tirer une nouvelle d'un paquet défraîchi (qu'on imagine bleu délavés et mou, des Gitanes d'autrefois), toussant à intervalles régulier, dans le rôle de Latifa. C'est une grande fille brune, maigre, fatiguée, qu'on devine nerveuse "si on la cherche", on le verra bientôt.. De ces filles devenus des femmes, puis femmes âgées sur notre continent, qu'on sait ne pas être le leur, même si  l'Algérie a été Française (un fait historique pour qui n'a pas connu cette époque). Latifa est née en Algérie, venue enfant avec ses parents dans les années 50. Elle a du s'habituer à vivre ici. D'une famille nombreuse, elle n'a pas fait beaucoup d'années d'école, pas d'études, ce n'était pas pour les femmes. Elle ne va pas chercher ses lettres recommandés, elle est pour la loi du talion. Le titre veut-il dire, "La colère éternelle..." de ceux qui ne sont rien pour les puissants, qui poussent comme ces fleurs des champs au gré du vent, là où elles peuvent y éclorent, y vivre un temps, qui voient l'injustice partout, mais qui ne peuvent véritablement décider de leur sort, pas qu'à cause de la société mais aussi par des manques, par qu'ils n'ont pu étudier enfants suffisamment, pour sortir véritablement de leur condition. Certains devenus patrons s'en sortent mieux, mais depuis longtemps même ainsi, il faut avoir étudier, pouvoir se défendre avec les lois et non les poings comme seules solutions pour résoudre les problèmes. Il aurait fallu aussi abandonner un honneur trop chatouilleux, se faire plus diplomate, ne pas accorder tant d'importance à certaines choses qui ne relèvent que de choix privés d'individus distincts. Abandonner les privilèges que s'octroie l'homme sur la femme, sur des critères de base de force physique qui permet injustement la suprématie de l'un sur l'autre, et n'a plus de sens dans notre vie actuelle (la seule force physique n'est plus nécessaire à la survie). La grande femme maigre, avec un accent légèrement traînant de ses origines, raconte sa jeunesse, ses souvenirs d'enfants, avec son grand père, ses frères. Ses souvenirs, s'ils n'ont pas le même cadre que le notre, sont des souvenirs d'enfant, tels que nous en avons. Cette femme qui a vécu finalement toute sa vie ici, est semblable à nous même, c'est sa ville et ses souvenirs, comme c'est notre ville, avec nos souvenirs. C'est ce qui nous rapproche; nous sommes tous des êtres humains. Cette femme qui est plutôt plus grande que nous, nous devons la respecter, et lorsqu'on l'écoute, ce devoir est facile.

Mais pourtant, son récit, ce qu'elle dit et la façon dont elle le dit, fait qu'on la trouve peu à peu de mauvaise foie, qu'elle aurait du lire ses lettres recommandées, même si elle était découragée de démarches qu'elle a vu vaines face à des gens injoignables volontairement, une administration qui nient les gens du quartier. Tout en officiellement intégrant les commerces existants à la restructuration urbaine dont elle se sent exclue : le nouveau local qu'on lui attribué n'est pas terminé, alors que son expropriation est pour tout de suite, avec la destruction de son outil de travail qui a été toute sa vie. Ses parents, ses frères, ont acquis chacun, des commerces, et celui-ci lui est revenu d'un de ces frères il y a plusieurs décennies, c'est devenu son bar quand son frère à "emporté son bail sur un autre lieu", laissant ce snack sans bail. Elle n'a jamais pu vraiment se mettre en règle là dessus, sauf quand un intermédiaire s'en est occupé; elle aimerait que cet homme providentiel, soit là maintenant car elle est démunie face à  l'employé municipal qui lui dit de fermer pour qu'on puisse détruire son bar. Elle dit n'y être pour rien : des gens du quartier, quand dans l'urgence elle leur a appris qu'elle devait fermer ce soir, se retrouvant sans rien puisque l'autre local est en construction depuis longtemps à l'arrêt, se sont réunis pour empêcher les ouvriers d'avancer. Avec force, insultes, menaces, la violence qui domine. Elle retransmet l'émeute qu'il y a eu, faite par les gens du quartier, pour (la) défendre. Les Don Quichotte par la force font arrêter le chantier de démolition. Par la force cela veut dire aussi agression du contremaître, qui a le nez cassé. Il dit qu'il devait obéir aux ordres tandis qu'elle dit que non, car elle est dans son droit (droit de continuer de vivre -d'exploiter son magasin, seules ressources). Il lui dit qu'elle aurait du répondre aux lettres recommandées. Et fait incroyable (l'auteur a t il été inspiré ou relate-il un fait ?), l'homme au nez cassé décide de terminer le nouveau local de cette femme, à cause de qui il a été agressé et qui vient en plus de le narguer, de l'insulter, de crier, le menacer, pour qu'enfin le snack à détruire puisse l'être.

C'est une histoire prenante et dense, pour un seul en scène, chapeau. Qui au contraire, ou en plus, de ce qu'il veut dénoncer, montre la difficulté de vie, des délaissés (car apparemment pour les municipalités, le gouvernement, le contraire serait trop compliqué), qui quoi qu'ils fassent pour s'en sortir, sont sur la brèche, oubliés des quartiers où vivent ensemble exclus, immigrés, gitans, y vivant à part du reste de la ville, où même la police ne va plus (raconte-elle en substance), prêt à s'embraser à la moindre chose. On s'interroge sur le titre et le choix final extravaguant. Il en est de ces titres, poétique à entendre, qui résume et explique lorsqu'on a compris, ce dont on parle, au delà des faits de l'histoire.

samedi 13 juillet 2019

 

 

 

Pitch :

"A partir de conversations avec Latifa Tir. Latifa est d’origine Chaouïa, ses parents sont arrivés à Marseille dans les années 50. Elle tient un snack dans les quartiers Nord. Son snack, c’est l’essentiel, c’est sa vie. Elle l’habite comme elle habite son corps. La puissance de son amour pour sa famille, ce quartier, cette enfance qu’elle a vécue là est impressionnante. Au-delà de sa vie, elle incarne le destin de sa tribu, de son quartier, de Marseille et des grands mouvements migratoires du XXème siècle. À ses côtés, François Cervantes s'est souvenu de cette phrase : le monument de Marseille, c'est son peuple. Ces gens qui vivaient «dans du provisoire» ont connu des grands bonheurs, l'éternité de certains instants. Cette parole est la transmission de 80 années d’histoire."."Vouée à la destruction, l'ancienne épicerie du père de Latifa devient le symbole entre les habitants, leurs mémoires, et la machine impersonnelle des "cravatés qu'on ne voit jamais" qui transforme en poussière 80 ans de vie dans du provisoire devenu patrimoine. Le monologue de cette femme tendre et guerrière se joue, avec justesse, par Catherine Germain." Zibeline "

 

 

Soutiens :

Production : L’entreprise. Création 2019. Soutiens : La création en novembre 2017 du Rouge éternel des coquelicots avec 15 personnes au plateau, habitants et professionnels, a été réalisée en coproduction avec Le Merlan, Scène Nationale de Marseille, avec le soutien du contrat de Ville Marseille-Provence Métropole.