Festival 2022
 
Sans tambour
de
Samuel Achache
 
 

Mise en scène : Samuel Achache
Scénographie : Lisa Navarro
Dramaturgie : Sarah Le Picard, Lucile Rose

Avec : Lionel Dray, Sarah Le Picard, Léo-Antonin Lutinier, Agathe Peyrat, Ève Risser, Gulrim Choï, Antonin-Tri Hoang, Florent Hubert, Sébastien Innocenti.

Direction musicale : Florent Hubert
Arrangements collectifs : à partir de lieder de Robert Schumann tirés de :
-Liederkreiss op.39,
-Frauenliebe und Leben Op.42,
-Myrthen op. 25,
-Dichterliebe op 48,
-Liederkreiss op.24
 
Costumes : Pauline Kieffer Assistanat costumes et accessoires : Eloïse Simonis
Lumière : César Godefroy
Cloître des Carmes
22H
7 au 9 / 11 au 13
juillet 2022

Durée : 2H

Réservation : Festival Avignon.com

04 90 14 14 14
de 10H à 19H

 

        Critique :

Dans le décor d'une cuisine dans un appartement en chantier inachevé, avec juste un toit et des murs ouverts aux quatre vents, un homme des cités, jeune, vingt-trente ans, en jogging rouge et veste bleu, se dispute avec sa jeune femme blonde-rousse européenne, au pantalon rouge d'un autre tissus, d'un autre milieu et plus jeune que lui (on ne saura pas vraiment son âge  il pourrait les avoir tous, jouer un vieil homme notamment des pays arabes, avec sa petite moustache). Reproches mutuel, conflits stéréotypés... Rapidement accompagnés en duo avec des musiciens-chanteurs en gilets noirs et bretelles, placés sur le coin gauche de la scène, de leurs chants dissonants et modulés, aux tonalités en phase avec le débit des reproches et explications du couple. Ce qui provoque un effet de surprise dynamisant, musicalement beau (les paroles sont accompagnes de chants choral aux voix légèrement décalées). Des musiques et chant très beaux interviennent au cours de la pièce, pour emporter les spectateurs quand l'histoire se fait moins légère. Des musiques et chansons connues, jouées à l'accordéon, chantées à plusieurs voix, dont des lieders Allemands.

Le couple se dispute, ils cassent les murs, de rage ou pour construire, tout en se brossant les dents la femme en rouge marmonne des revendications qu'on ne comprends pas et ce classique est une occasion de rire. Comme il parait qu'il y a toujours deux femmes en une seule, une autre femme en beige joue en duo le même rôle. Ce sont deux femmes donc qui incriminent l'homme des cités. L'homme lui reproche des infidélités, sans doute par des manques plus profond entre eux (entre le basique et la plus évoluée). Ils se réconcilient, au lit, figuré dans une scène abstraite volontairement non réaliste, ponctuée d'onomatopées chantées. Ceci n'a qu'un temps, c'est la rupture. L'homme resté seul dit qu'il a perdu son coeur, et qu'il veut détruire le monde, il a une hache pour ça. Monté sur un escabeau, on remarque ses chaussures à poulaines telles dans Molière. Lorsqu'il se trouve en présence d'un nouvel arrivé, dans un lieu qui pourrait être un hôpital psy ou une retraite religieuse (accueilli par des paroles faussement apaisantes "tout va bien se passer"), et qui serait une maison de repos, la différence de milieu des deux, fait qu'il répond à l'érudit qui raconte des choses qu'on ne comprends pas, qui n'ont pas de sens, que "quoi que soient leurs différences, lui, a "le coeur pur" (et simple), comprends si on se moque de lui -et que ce n'est pas la peine d'essayer de l'embrouiller dans ses avis et positions sur le monde"-.

On bascule dans un absurde plus total, quand des infirmiers-médecins demandent à l'érudit de chanter à intervalles réguliers, comme à l'hôpital sont demandées des positions différentes pour des radios; séances diverses de ce type a la limite dépassée de la maltraitance, dans ce lieu non-nommé. Sans changement de décor mais un décalement des comédiens vers la gauche de la scène, figurant une autre partie de la maison en destruction, dont des cloisons de polystyrènes-balsas ont été et sont maintes fois cassées par les uns et les autres, ainsi que des échelles, pour monter dans un piano de carton qui fait office de piscine.
 
Sans tambour, mais avec une hache, pour nous dire la peine des incompris opprimés, par l’intelligensia dictatatoriale, ou par les filles si difficile à comprendre pour les hommes (comme lui ?).  L’homme des cités finalement, veut reconstruire son coeur, le réparer, il a raison; lui faire des massages cardiaques pour qu’il rebatte normalement, on le comprends. Et on est touché par le personnage un peu slameur-poéte "magnifique" (dans sa posture, car il ne slame pas, grand il fait des grands pas, un peu courbé, il déclame un peu, aurait le costume du male dirigeant sa famille, mais porte celui du couple mixte moderne dont les taches sont partagées).
Sans tambour, mais avec de l'accordéon et de magnifiques chants (sopranos...), et pas sans trompettes car les trompettes de Maurice Jarre ont résonnées plusieurs fois pour annoncer le début proche de la représentation jouant a guichet complet, avec seulement quelques places disponibles si arrivé plus de deux heures avant. Un grand succès durant le spectacle à en juger par le rire des spectateurs, jeunes, dont beaucoup issus de compagnies théâtrales, pour voir ce spectacle  inventif, original, joué avec les codes du théâtre et du cirque, mêlant le classique, la tradition et la modernité.
 
Un spectacle expérimental qui  joue des questionnements de jeunes adultes (étudiants, jeunes diplômées, démarrant dans la vie active) sur le sens de l'amour, de la vie en couple, des organisations institutionnelles, des genres théâtraux comme des genres humains. Un regard érudit jumelé aux aspirations d'élévation de l'âme et de pureté dans un autre milieu, celui des cités, histoire de montrer la difficulté des uns et des autres dans des questionnements qui seraient les mêmes, mais dits autrement. 
Est-ce cela le sens de cette histoire-ci , ou est-ce simplement pour résumer, une fantaisie clownesque farfelue désespérée déjantée, s'inspirant de l'opérette, de la comédie musicale, de Molière et de la Comédia dell'arte, du cinéma, pour jouer au Festival d'Avignon qui s'attache aux formes inhabituelles et à présenter de jeunes créations inédites ?
En fait on est, dans cette forme mêlant musique, instruments divers à vents, dans l'univers sur lequel travaille Samuel Achache, apportant un vent de vérité dans une des pièce du Festival, très appréciable. On est pas dans l'imitation d'auteurs reconnus, mais dans l'univers d'un auteur qui cherche par des faits vécus (par lui, par nous) à créer, avec les codes de l'art et de l'époque, une partition originale avec un sens, et qui porte une marque de fabrique.

12 juillet 2022

 

 

        Pitch :

"Un spectacle musical à la dramaturgie rêveuse autant que burlesque, où les mélodies de Schumann questionnent nos effondrements intimes, éveillent des souvenirs enfouis… et ouvrent vers de nouveaux imaginaires".
'Tout commence par un effondrement : celui d’une maison comme celui d’une musique. Sur scène, l’espace se déconstruit au fur et à mesure des histoires qui s’y déroulent, à l’image des abattements ressentis par les personnages, en accord avec cette musique en apparence parfaite. Ces fins seront pour les protagonistes des tentatives de débuts, des points de départ pour la construction de nouvelles fictions.
Créateurs de spectacles musicaux où l’humour se bagarre avec la profondeur, Samuel Achache et ses acteurs-musiciens portent dans Sans tambour leur exploration plus loin encore. Les lieder de Robert Schumann, emblématiques du romantisme allemand, donnent l’élan d’une dramaturgie fragmentaire, composée collectivement. Ces formes finies au contenu inachevé nous plongent dans des images ultra-subjectives, fugaces mais profondes. Comment est-il possible de reconstruire musicalement à partir d’un désastre ?'

Compositeur et pianiste allemand, Robert  Schumann (1810-1856) est l’un des plus grands représentants du mouvement romantique en musique. Il est aussi, avec Schubert et Brahms, l’un des maîtres du lied – courte pièce pour voix et piano – dont ses Liederkreis constituent un chef-d’oeuvre du genre. Compositeur littéraire par excellence, il s’attache à mettre en musique la poésie des romantiques allemands que sont Heinrich Heine, Friedrich Rückert ou Johann Wolfgang von Goethe.

 

 

Production  : Centre International de Créations Théâtrales - Théâtre des Bouffes du Nord, La Sourde
Coproduction : Théâtre de Lorient Centre dramatique national, Théâtre National de Nice, Les Théâtres de la ville du Luxembourg, Théâtre de Caen, Le Quartz, Scène nationale de Brest, Festival d’Avignon, Points communs nouvelle scène nationale Cergy-Pontoise - Val d’Oise, Festival Dei Due Mondi (Spoleto), Opéra national de Lorraine, Festival d'Automne à Paris, Le Parvis Scène nationale Tarbes Pyrénées, Centre d’Art et de Culture de Meudon, Théâtre + Cinéma Scène Nationale Grand Narbonne, Le Grand R Scène nationale de La Roche sur Yon .
 
Soutiens : Avec le soutien du Cercle des partenaires et dans le cadre de la 76e édition du Festival d’Avignon : Spedidam Résidence de création de la vie rève,  Théâtre de l’Aquarium, Fondation Royaumont, Centre d’Art et de Culture de Meudon